Si nous devions catégoriser votre argent en 2 grandes poches, nous pourrions les séparer de cette manière :
👉 L’épargne, c’est-à-dire l’argent disponible sur vos livrets en cas coup dur.
👉 L’argent investi, c’est-à-dire ce dont vous n’avez pas besoin à court/moyen terme et que vous faites travailler pour répondre à vos objectifs futurs.
Dans le domaine de l’investissement, nous avons beaucoup d’outils et de données pour savoir comment nous voulons faire travailler notre argent. Si vous avez des objectifs écologiques et une volonté de ne pas confier votre argent à des sociétés polluantes, finançant des énergies fossiles, c’est aisément réalisable :
👉 Il est assez facile de comprendre où va l’argent que vous placez sur des actions Coca-Cola,
👉 Il est assez facile de comprendre où va l’argent que vous placez sur une assurance vie (le détail de fonds les composant sont disponibles pour tout le monde),
👉 Il est assez facile de comprendre où va l’argent que vous investissez dans des parts de SCPI (Est-ce pour financer des bâtiments éco-responsables ou non ? La politique d’investissement de ces sociétés étant transparente, la réponse est facile à trouver).
Vous pourrez d’ailleurs trouver un article vous expliquant les différentes manières d’investir de manière solidaire et responsable sur Learn’Invest.
A contrario, au sujet de votre épargne, est t’il facile de savoir ce que le Crédit Agricole, la Société Générale, la Banque Poste ou autres font de l’argent qui est sur votre livret A, votre LDD ou encore votre PEL ? La réponse est moins évidente.
Peu importe où vous placez votre épargne, celui-ci n’est pas entreposé sur une petite étagère à votre nom en attendant que vous le récupériez. Il est tout simplement utilisé par la banque à qui vous le confiez.
Certaines banques sont plus ou moins regardantes sur la façon d’utiliser VOTRE épargne.
Alors la question est simple : l’argent que vous confiez à votre banquier sert t’il à financer des opérations participant au réchauffement climatique ?
Contexte global du financement des énergies fossiles
Le 12 décembre 2015, l’accord de Paris a été signé par l’Union Européenne et 191 Etats qui totalisent 95 % des émissions de la planète.
Cet accord qui doit permettre d’avoir une réponse forte sur les effets du changement climatique a des objectifs clairs :
a) Contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels…
b) Renforcer les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et en promouvoir la résilience à ces changements, et un développement à faible émission de gaz à effet de serre, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire.
c) Rendre les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques.
Dans cet article, c’est évidemment le point c) qui nous intéresse le plus car il contraint le système bancaire global à s’adapter à cet accord et en outre à réduire considérablement le financement d’entreprises développant les énergies fossiles.
Cependant la réalité est tout autre et c’est ce que nous montre le graphique ci-dessus, qui nous apprend par quel biais les banques financent ces activités.
On y voit que 51 % du financement bancaire des énergies fossiles de ces 6 dernières années a pris la forme de souscriptions d’obligations et d’actions, et non de prêts.
Cela indique une forme d’échappatoire pour toute politique bancaire car leurs engagements ne sont que les prêts souscrits.
Cette donnée est accessible dans la 13ème édition du très connu rapport “Banking on Climate Chaos” publié en mars 2022. Ce rapport rédigé par 6 associations a étudié la réalité des 60 plus grandes banques mondiales.
On y apprend que :
👉 Ces banques ont contribué au financement du développement des énergies fossiles à hauteur de 4600 milliards de dollars entre 2016 et 2021,
👉 Malgré 2 années Covid (2020 et 2021), ces montants restent plus élevés qu’en 2016 après l’accord de Paris.
👉 Les banques américaines continuent d’être les plus gros financeurs en occupant les 4 premières places du classement (avec JPMorgan Chase largement en tête),
👉 Au niveau Français, la BNP Paribas se place dans le top 10 des banques finançant le plus les énergies fossiles.
En effet, vous pouvez consulter ci-dessous le classement complet des 60 plus grandes banques mondiales avec les montants qu’elles consacrent année après année au financement des énergies fossiles :
Les banques françaises financent elles aussi la pollution ?
Dans ce classement, nous trouvons évidemment les 6 grands groupes bancaires français :
- 10ème : BNP Paribas ($141 milliards sur 6 ans)
- 21ème : Société Générale ($87 milliards)
- 23ème : Crédit Agricole ($75 milliards)
- 29ème : BPCE / Natixis ($46 milliards)
- 58ème : La Banque Postale ($423 millions)
- 59ème : Crédit Mutuel ($397 millions)
Les groupes bancaires ont donc octroyé le financement de 350 milliards de dollars à des entreprises du secteur des énergies fossiles depuis l’accord de Paris, soit 7,6 % du financement total mondial.
Ces 6 banques ont également accordé 131 milliards de dollars aux 100 entreprises qui développent le plus de nouveaux projets d’énergies fossiles depuis la COP21.
Grâce à cet ensemble de performances, cela place la France au 3ème rang des pays à le plus soutenir le développement des énergies fossiles derrière les Etats-Unis et la Chine. La BNP Paribas étant même la banque ayant financé le plus de projets liés aux énergies fossiles en Arctique ces 6 dernières années.
Budget alloué aux énergies fossiles vs budget total des banques
Afin d’être totalement complet, il est nécessaire de comparer ces sommes à la taille des banques.
En effet, une banque ayant un budget de financement de 10 000 milliards de dollars par an a forcément plus d’impact en termes de montant qu’une banque ayant 1000 milliards de dollars de budget.
Pour faire simple, plus la banque est grosse, plus son impact est gigantesque. Mais en termes de proportion du budget total, est-elle sur la bonne voie ou non ?
Pour découvrir le résultat, vous pouvez utiliser cet outil créé par le média indépendant Quartz.
Par exemple, JPMorgan Chase qui comme nous l’avons vu plus haut est le plus gros contributeur en termes de montant a consacré 7 % du budget total au financement des énergies fossiles. Pour résumer, si vous placez 100 $ dans cette banque, 7 seront utilisés à ces fins.
Aux avant-postes on retrouve la banque américaine Wells Fargo qui y consacre 10 % ou encore la banque chinoise Agricultural Bank of China qui elle y consacre 14 % !
Côté français, la BNP Paribas qui est le plus gros financeur des entreprises liées aux énergies fossiles y consacre 5 %.
Cependant, le groupe BPCE / Natixis est leader du côté des banques françaises avec 8$ utilisés pour ces entreprises tous les 100 $ déposés.
La Banque Postale et le Crédit Mutuel font partie “des bons élèves” français avec respectivement 2 $ et 1 $ utilisés à ces fins pour 100 $ que vous déposez en banque.
La première citée est d’ailleurs la seule banque française a avoir annoncé une politique claire sur ces points en promettant suspendre son soutien à toutes les entreprises qui développent le pétrole et le gaz, et qui engage la banque à abandonner complètement le financement du pétrole et du gaz d’ici 2030.
Comment vous positionner ?
Ces 6 banques françaises sont encore des acteurs incontournables en 2022. Si vous voulez financer un projet personnel ou professionnel, il va être compliqué de s’en passer.
Pour autant, vous avez toutes les cartes en main pour limiter votre exposition.
La première des choses à faire est de ne laisser à ces banques que le strict minimum, c’est-à-dire ce que vous avez besoin en cas de coup dur : votre épargne de précaution !
Le reste peut alors être investi sur des supports que VOUS aurez choisis et qui respecteront vos objectifs, vos convictions.
Si malgré ça vous n’êtes toujours pas satisfait et que l’idée de laisser 1 euro à ces banques vous dérange, je vous conseille cet article qui décrypte les différentes solutions dont vous disposez pour placer votre épargne de précaution ailleurs, chez des acteurs moins exposés au financement des énergies fossiles.