Il ne vous aura pas échappé que les perspectives économiques sont ternes depuis le début de l’année 2022.
Il suffit de mettre le nez dehors, de regarder ses tickets de caisse ou ses factures pour se rendre compte que les prix ont explosé depuis plusieurs mois.
Cette brutalité économique a des causes, a et aura également des conséquences majeures.
L’objectif de cet article est donc de balayer les indicateurs pour tenter de comprendre la direction dans laquelle l’économie se dirige et anticiper les conséquences que cela aura sur vos finances et sur vos investissements.
Quel est l’état de l’économie mondiale ?
La donnée que tout le monde connait, que les médias grand public diffuse en continue est l’inflation.
On le sait, celle-ci est très importante, bien plus importante que ce que les citoyens sont à même d’accepter, bien plus importante que l’objectif que se fixe ceux qui tentent de la gérer, je veux parler des banques centrales.
Ce sont elles qui en fonction de données économiques vont prendre des mesures pour la piloter avec un objectif, se situer autour de 2% d’inflation.
Pour rappel, les derniers chiffres de l’inflation communiqués sont les suivants :
- 5,9 % en France,
- 9,1 % en zone Euro,
- 8,5 % aux Etats-Unis.
Nous ne sommes pas meilleurs que les autres en France, seul le bouclier tarifaire énergétique stoppe l’hémorragie de la hausse des prix mais cela creuse cependant celle de la dette.
Le problème des chiffres de l’inflation est que cette donnée est “en retard”. Lorsqu’on constate que le chiffre est haut ou en hausse, les prix ont déjà augmenté, le mal est fait.
Pour anticiper, nous allons donc regarder d’autres indicateurs considérés comme “leader” afin de voir si nous pouvons comprendre la tendance des prochains mois : les PMI.
C’est un indicateur de la santé économique d’un secteur, ils sont classés en 2 grandes catégories : les produits et les services.
Grâce à ces 2 données, nous avons une vision assez globale de l’état de santé de l’économie d’un pays.
Ci-dessus, cette “map’ représente le “PMI Manufacturing” des principaux pays dans le monde classé par région, c’est-à-dire les produits.
Il est composé de 5 grands indicateurs : nouvelles commandes, niveau des stocks, production, livraisons des fournisseurs et situation de l’emploi.
On peut donc avoir une vision de l’état de santé de la production d’un pays à un instant T en observant ce tableau.
Plus la case d’un pays est vert foncé, plus le PMI est haut avec une activité manufacturière qui tourne à plein régime. A contrario, plus la case devient rouge, plus cette activité est en baisse de régime. On dit alors qu’elle se contracte.
Il y a une seule observation à faire ici : tous les pays du monde (exception des pays du Middle East & Africa) ont des couleurs qui rougissent ou deviennent de plus en plus vert pâle. Les économies du monde se contractent !
Pourquoi les économies se contractent ?
Ce qu’il se passe aujourd’hui est encore très lié à la crise du Covid et aux premiers confinements durs de 2020, la guerre en Ukraine n’étant qu’une couche supplémentaire à un problème existant auparavant.
En Mars 2020, tous les pays du monde se sont mis à l’arrêt, une grosse partie de la population mondiale s’est trouvée confinée.
N’ayant rien à faire, les gens ne souhaitaient qu’une chose : Consommer
Dès lors que les confinements se sont arrêtés, les gens sont sortis, ont voulu voyager, ont voulu consommer l’argent non dépensé pendant des mois, ont voulu acheter.
Face à des pays ne re-démarrant pas à la même vitesse dans une économie totalement mondialisée, cela a provoqué un choc de demande par rapport à l’offre en circulation. Les usines ont mis du temps à redémarrer à plein régime, les circuits logistiques ont mis beaucoup de temps à se réguler et à se décongestionner.
Conclusion : Si la demande est supérieure à l’offre, les prix augmentent.
Nb : A gauche ci-dessus, l’inflation américaine qui a commencé de dériver en avril 2021 et à droite l’inflation européenne qui elle, a commencé de dériver en août 2021 (bien avant le conflit Ukraine / Russie).
D’accord les prix augmentent mais pourquoi les économies se contractent ? Nous sommes dans un effet “accordéon”, c’est-à-dire qu’après avoir beaucoup consommé, sur-consommés, les gens ont eu des comportements qui se sont normalisés et ont repris leurs habitudes.
Ce comportement post-Covid de sur-consommation dans un monde pas encore prêt à gérer cela a créé de l’inflation. Les gens ont ensuite commencé de réduire leurs consommations face à ces prix qui s’envolaient, certains par choix, d’autres par nécessité.
La boucle est bouclée, nous nous retrouvons désormais dans une situation où les usines peuvent tourner, la logistique fonctionne, les stocks sont bons mais face à la hausse des prix que cet effet “accordéon” a généré, les gens consomment moins, les entreprises produisent moins et font moins de profits : L’offre est supérieure à la demande, les économies se contractent.
Cet effet “accordéon” va mettre un peu de temps à se stabiliser. Il y a fort à parier que dans les mois qui viennent les économies vont souffrir face à cette contraction, la récession va certainement pointer le bout de son nez mais l’inflation va baisser (ce qui ne veut pas dire que les prix vont baisser, les augmentations vont juste ralentir).
Ensuite, les économies repartiront de l’avant avec une demande des consommateurs qui recommencera, etc etc.
Petit à petit, les mouvements dans un sens ou dans l’autre seront moins brutaux jusqu’à retrouver une stabilité totale, sauf autre événement majeur.
Sauf autre événement majeur comme un manque de gaz cet hiver ?
La crise énergétique de 2022
L’objet de cet article et de ce blog n’est pas de traiter des problèmes de livraison de gaz donc je ne m’étendrai pas sur le sujet.
Cependant je suis obligé d’en parler car cela a un impact sur l’économie aujourd’hui.
Face à ce risque de pénurie, les prix s’envolent (loi de l’offre et de la demande) ce qui alimente l’inflation.
En réponse aux sanctions européennes, la Russie répond avec ses cartes c’est-à-dire les énergies et notamment le pétrole et le gaz. L’Europe étant partiellement dépendante du gaz Russe, cela nous impacte directement.
Poutine “s’amuse” donc à faire peur en menaçant de couper les livraisons, après les avoir bien réduit ou encore en provoquant des maintenances qui s’éternisent.
Le graphique ci-dessus datant du 3 septembre nous montre l’état des stocks de gaz. Si vous souhaitez consulter d’autres données, notamment la baisse des livraisons, voici le lien.
En France on peut voir que les réserves sont pleines à 90 %, ce qui représente 120 jours de consommation moyenne, 4 mois !
En Allemagne, les réserves sont pleines à 85 %, ce qui représente 90 jours de consommation moyenne, 3 mois !
En moyenne ces 5 dernières années, les réserves commencent à baisser à partir du 15 octobre. Avec un stock européen moyen de 90 jours, cela veut donc dire que nous pouvons être 100 % autonomes en Europe jusqu’au 15 janvier (15 février en France).
Mais jusqu’à preuve du contraire, la Russie livre toujours (moins, mais elle continue de livrer) et seulement 17% de notre gaz vient de ce pays, notre plus gros importateur étant la Norvège avec 40 % alors que 35 % viennent d’Algérie, des Pays-Bas, des Etats-Unis, du Nigéria et du Qatar.
Dans le contexte actuel, rien ne dit donc que nous manquerons de gaz cet hiver. Il faudrait que les relations se dégradent encore plus avec un arrêt total des importations de gaz Russe, il faudrait aussi que l’hiver soit plus froid que la moyenne.
Ce n’est pas impossible, le risque existe mais d’un point de vue économique ce risque est désormais fortement pris en compte sur les prix. On dit que le marché l’a déjà en partie “pricé”.
Si la situation se normalise, ce qui semble aujourd’hui plus probable, que l’on voit dans les prochaines semaines que le risque s’amenuise, alors les marchés financiers répondront positivement, les prix de l’énergie baisseront et l’inflation diminuera.
L’inflation va-t-elle baisser ?
On l’a vu précédemment, l’inflation est haute et les économies semblent commencer à se contracter.
Seulement sommes-nous au bout de nos peines sur cette envolée des prix ou la situation est-elle en train de se normaliser ?
Première donnée importante, les prix des matières premières industrielles sont toutes orientées à la baisse depuis quelques mois : le lithium, le cuivre, le minerai de fer, le pétrole.
C’est important car cela implique que les industries payent moins cher ce qu’elles produisent et que les baisses vont finir par arriver pour les consommateurs.
Entre l’industrie qui achète la matière première brute et le consommateur, il y a souvent beaucoup d’intermédiaires. La diffusion de cette baisse dans nos portefeuilles prend donc du temps car il faut que chaque intermédiaire répercute cette baisse sur ses prix.
Ci-dessous, vous pouvez voir la courbe de l’inflation américaine classée par catégories. On peut observer que celle-ci a amorcé une petite baisse de 9,1 % vers 8,5 % puis 8,3% entre juin et août 2022.
En vert, le graphique montre la part des énergies dans cette inflation qui comme on peut le voir a baissé en juillet et août alors qu’en orange, il s’agit de l’alimentation qui continue de légèrement croître.
En rouge nous pouvons voir que les biens de consommations (hors nourriture) sont sur une petite pente baissière mais que la catégorie service en bleu est toujours en hausse constante.
En conclusion, la petite baisse de l’inflation observée cet été est très liée à la baisse des coûts de l’énergie, la baisse ne s’est pas encore enclenchée sur les autres secteurs.
Avec les données que l’on a aujourd’hui, on peut dire que nous sommes probablement vers un pic d’inflation MAIS que les décisions énergétiques des prochaines semaines (Poutine qui coupe le gaz ?) peuvent inverser cette tendance.
La baisse des matières de production devrait se voir sur ces graphiques d’ici quelques semaines / mois et petit à petit il y a des chances non négligeables que la tendance s’inverse.
Cependant, l’économie américaine est très souvent en avance sur l’économie européenne. L’inflation a commencé avant aux Etats-Unis, elle semble commencer à baisser avant également.
Enfin, une baisse de l’inflation qui reste sur des niveaux aux alentours de 8 ou 9 % n’a rien de satisfaisant. C’est un premier pas mais rappelons que l’objectif des banques centrales est de 2 %.
Il faudra des années avant que celle-ci ne se stabilise vers 2 % et malheureusement la perte de pouvoir d’achat que vous enregistrez aujourd’hui est perdue à tout jamais. Il faudrait pour cela une déflation, c’est-à-dire une inflation négative ce qui n’arrive jamais et ce que l’on cherche à éviter à tout prix car déflation équivaut à croissance d’un pays en déclin.
Le rôle des banques centrales
Dans le contexte actuel, ce qui fait varier vos portefeuilles financiers à la hausse ou à la baisse est très corrélé aux décisions et aux discours des banquiers centraux.
Pour les marchés financiers, ce qu’ils font est étudié, décortiqué et chaque intervention correspond à leur super bowl !
Face à une inflation galopante, la seule action possible est de monter les taux d’intérêts.
C’est mécanique, une hausse des taux, c’est :
👉 Emprunt plus cher pour les banques
👉 Emprunt plus cher pour les particuliers et les entreprises
👉 Moins de prêts réalisés
👉Moins d’investissements
👉 Plus d’épargne dormante
👉 Moins de développement économique
👉 Plus de chômage
👉 Moins de demande
👉 Baisse des prix (baisse de l’inflation)
Les banquiers centraux ont commencé de parler de hausse de taux dans leurs discours en début d’année, ce qui a provoqué la baisse des marchés financiers.
En effet la hausse des taux va provoquer à moyen terme une baisse de l’inflation grâce à une baisse de la demande. Les prêts bancaires sont et seront plus difficiles à obtenir pour vous et pour les entreprises, cela va détruire de l’emploi, cela va abîmer l’économie.
Mais très clairement les banques centrales sont prêtes à ce sacrifice estimant que faire revenir l’inflation à 2 % est plus important.
Ci-dessus, nous voyons donc la baisse des marchés financiers depuis le début de l’année pour les raisons évoquées ci-dessus.
Oublions le gros pic de mars qui correspond au début de la guerre et à l’époque où Poutine menaçait le monde d’utiliser l’arme atomique. Sans cet événement, les marchés ont baissé jusqu’à début juillet avant de connaître un gros pic estival. Pourquoi ?
Au début de l’été, les données ont commencé à montrer la contraction économique dont on a parlé précédemment. Aux Etats-Unis, nous avons d’ailleurs eu 2 trimestres consécutifs où le PIB a baissé ce qui est la définition même de la récession.
Les marchés financiers ont pensé que face à cette situation, les banques centrales allaient s’adoucir et arrêter leurs hausses de taux et ce malgré l’inflation.
Pas du tout !
Dans un discours du 26 août, Jérôme Powell (directeur de la FED, banque centrale américaine) a notamment dit :
“Restoring price stability will take some time and requires using our tools forcefully…”
En Français : “Restaurer la stabilité des prix prendra du temps et requiert l’utilisation très forte d’outils…”
“In current circumstances, with inflation running far above 2 percent and the labor market extremely tight, estimates of longer-run neutral are not a place to stop or pause.”
En Français : “Dans les circonstances actuelles,… il n’y a pas de place pour une pause ou un arrêt de la hausse de taux”.
Les mots sont très importants et ces phrases ont mis fin à la hausse des marchés financiers observée cet été.
La Banque centrale européenne vient quant à elle de relever ces taux de 0,75 % le 8 septembre pour les porter à 1,25 %. Dans son discours Christine Lagarde (directrice de la BCE, banque centrale européenne) a tenu un discours similaire et du même ton.
La BCE a commencé de monter ses taux après la FED (les taux de la FED sont déjà à 2,25 %) mais ces 2 banques centrales ont aujourd’hui pris une direction très claire : ramener l’inflation à 2 %.
Ils n’hésitent pas à annoncer dans leurs discours respectifs que les mois à venir seront durs, que le chômage va augmenter, que des sociétés ne supporteront pas cette nouvelle politique monétaire.
Comme évoqué plus haut, les Etats-Unis ont vu leur PIB baisser lors des 2 derniers trimestres ce qui est la définition de la récession. Cependant ils refusent d’admettre que nous y sommes déjà car le taux de chômage actuel est au plus bas.
Les discours évoqués juste avant nous montrent la direction que prend cette donnée du chômage et ne laissent que peu de doute d’une récession réelle ces prochains mois.
L’économie américaine étant souvent légèrement en avance sur l’économie européenne, je vous laisse imaginer la suite.
Quid de nos investissements, que devons nous faire ?
Première chose à dire, les taux de vos crédits bancaires vont continuer de monter même si les banques commerciales ont beaucoup anticipé en relevant leurs taux avant même que les banques centrales ne le fassent réellement (nous sommes entre 2 et 2,5 % pour emprunter pour de l’immobilier sur 25 ans).
Ensuite, comment se comporter ?
Il faut séparer vos poches d’argent en 3 catégories.
- Votre épargne de précaution est toujours aussi importante. Ne la négligez pas mais ne la gonflez pas outre mesure pour autant.
- Votre argent investi dont vous pensez avoir besoin rapidement. Il me semble qu’il est probablement intéressant de le “dérisquer” petit à petit.
- Votre argent investi dont vous savez ne pas avoir besoin à court ou moyen terme. Ne faites rien et SURTOUT continuez vos versements programmés. Cette baisse va vous permettre d’acheter moins cher chaque mois et de profiter de baisser votre prix moyen.
De manière générale, vous ne devriez pas vous retrouver dans une situation où vous avez de l’argent investi à risque avec un besoin à court terme de celui-ci. C’est la base de l’investissement, être confortable avec son horizon de temps.
A court et moyen terme, je suis assez pessimiste sur la tendance que vont prendre les marchés financiers. Ils vont selon moi continuer de baisser que ce soit en bourse et encore plus pour les crypto-monnaies.
A long terme (5-10 ans) je suis résolument optimiste et si vous gardez la tête froide aujourd’hui, que vous continuez à réfléchir objectif versus horizon de temps, que vous continuer à faire vos versements programmés, vous devriez avoir le sourire dans quelques années en regardant l’état de vos investissements.
C’est aujourd’hui et dans les mois à venir qu’il va falloir garder son sang froid !
Cet article n’est pas un conseil en investissement financier mais bien une source d’informations vous permettant d’y voir plus clair et de vous faire avancer dans votre compréhension du monde de l’investissement.
Si vous souhaitez un accompagnement personnalisé, n’hésitez pas à me contacter !