Nous allons aborder un sujet que peu de français osent ou prennent le temps de préparer : sa succession. Pour parler de ce sujet, il faut se projeter décédé et clairement, ce n’est pas un sujet sympathique à aborder entre amis ou en famille.
Une discussion récente avec un client m’a motivé à écrire cet article.
Ils avaient sa mère, sa soeur et lui-même, une femme dans leur entourage proche depuis toujours. Ils la considéraient comme leur grand-mère mais légalement, elle ne l’était pas, et cette femme n’avait aucune famille d’un point de vue successoral.
Cette vieille dame est décédée récemment et à laissé tout son patrimoine à mon client, sa sœur et sa mère.
Aucune préparation successorale n’avait été faite.
L’héritage comprenait une maison, quelques appartements et de l’argent en banque pour un total évalué à 1 million d’euros.
N’ayant aucun lien de parenté, la part imposable de l’héritage fût alors de 60 % du montant transmis : 600 000 €.
Qui peut payer une telle somme ?
Dans de nombreux cas, il est donc indispensable de vendre tout ou partie du patrimoine, ce fut le cas dans l’exemple ci-dessus.
Dans un cas de figure si extrême, il aurait certainement été difficile de ne rien payer lors de la succession mais la note aurait pu être bien moins douloureuse si cela avait été anticipé.
Il ne s’agit donc pas dans cet article de trouver la meilleure rentabilité sur un investissement mais de comprendre les bases qui feront que l’Etat ne se servira pas une part importante de ce que vous aurez mis une vie à construire au moment où il sera trop tard pour vous.
Les règles successorales sont très complexes en France et même relativement nébuleuses. Il sera donc impossible de passer en revue tous les sujets et tous les cas de figure. Le but est de vous exposer les grands principes associés à quelques exemples concrets.
Les règles de bases
La première chose à savoir est que tout peut être donné de son vivant que ce soit des biens immobiliers (maison, appartement,…), des biens mobiliers (meubles, bijoux, tableaux), de l’argent, ou encore des valeurs mobilières (parts sociales, actions,…).
Tout peut être donné mais à partir du moment où vous avez des enfants et/ou des petits enfants, vous ne pouvez pas donner de manière illimitée à autrui car ces personnes sont des héritiers dits “réservataires”.
Dans ce cas de figure, il y a une part de ce que vous possédez qui ne peut en aucun cas être donnée à autrui :
👉 La moitié si vous avez un enfant,
👉 Les ⅔ si vous avez 2 enfants,
👉 Les ¾ si vous avez 3 enfants ou plus.
La loi vous autorise à réserver le pourcentage restant à qui vous le souhaitez que ce soit de votre vivant ou lors d’une succession.
Vous ne pouvez donc pas faire “n’importe quoi”.
Cependant, le but de cet article n’est pas de définir comment déshériter vos enfants, et ce n’est pas non plus de traiter de MULTIPLES cas de figure possibles.
De ce fait, nous traiterons ici une transmission classique. Le but étant de voir d’un point de vue chiffré la différence entre une succession préparée et une succession non préparée.
Histoire d’une succession
Lors du décès d’un des 2 conjoints mariés, la part appartenant au défunt va être soumise à succession.
Dans la plupart des cas, le conjoint survivant obtiendra la part de l’héritage en usufruit avec exonération d’imposition. Les enfants obtiendront l’héritage en nue-propriété avec taxation.
Cela veut donc dire concrètement que le conjoint pourra utiliser sa part comme bon lui semble, louer le ou les biens immobiliers s’il le souhaite, ainsi qu’en récolter les loyers. Cependant, s’il souhaite vendre, il devra récolter l’accord des enfants qui sont nus-propriétaires.
Si le couple était marié sous le régime de la communauté, la quasi-totalité de ce qu’ils ont entre dans le cadre de cette répartition (Immobilier, argent,…).
Mais en fonction du montant transmis, les enfants vont devoir payer une imposition sur cette nue-propriété.
Lorsque rien n’est préparé, le problème MAJEUR réside alors dans le fait qu’ils doivent payer un impôt alors qu’ils ne récupèrent absolument rien physiquement car le conjoint survivant est usufruitier. Il est possible d’en différer le paiement jusqu’au moment où l’usufruit disparaît (décès de l’usufruitier ou vente du bien mais vous devrez alors payer les intérêts au taux légal sur les sommes dont vous avez retardé le paiement).
Lorsque le deuxième parent décédera, les enfants hériteront de la totalité du patrimoine de leurs parents et donc de la pleine propriété de l’ensemble. Ils devront alors payer des impôts sur la seconde partie de la transmission.
Avec potentiellement les mêmes problèmes fiscaux !
Exemple chiffré
L’homme de 78 ans d’un couple marié décède et laisse derrière lui sa femme du même âge et ses 2 enfants.
Le couple possède une maison à 350 000 €, un appartement de vacances en bord de mer estimé à 200 000 € ainsi que 250 000 € d’argent en banque pour un total de 800 000 €.
Dans le cas général, l’intégralité de la part du défunt revient en usufruit à sa femme et en nue-propriété à ses 2 enfants.
Nb : L’autre option possible est la transmission de 25 % de la part en pleine propriété. Les 75% restants devenant donc la pleine propriété des enfants. Le choix entre ces 2 options doit se faire dans les 3 mois suivant le décès. Sans décision, c’est l’option 100 % usufruit qui s’applique, ce sera donc celle que l’on étudiera dans ce cet exemple.
Nb 2 : En préparant sa succession en amont du décès, le couple aurait également pu préparer une donation au dernier vivant. Cela rajoute des options possibles dans la protection du conjoint survivant.
Comme le prévoit la loi, la succession de la femme est exonérée d’impôt alors que celle des enfants y est soumise.
Quel est alors l’impôt pour cette part de 400 000 € que les enfants récupèrent en nue-propriété ?
Pour cela nous devons utiliser les 2 tableaux ci-dessous.
Ayant 2 enfants, le patrimoine va être “coupé” en 2 et chaque enfant recevra la nue-propriété sur 200 000 €.
Nous pouvons voir dans le tableau de gauche ci-dessous que lors d’une succession en ligne directe (Parent / Enfant), chaque enfant a la possibilité de procéder à un abattement de 100 000 € sur la somme qu’il hérite.
Le tableau ci-dessus à droite nous montre en parallèle que l’usufruitier (Mère survivante) ayant 78 ans, le barème fiscal de la nue-propriété sera de 70 %.
Il faut donc retirer 100 000 € d’abattement aux 200 000 € transmis soit 100 000 €. On vient alors appliquer à ce résultat le barème de 70 % soit un résultat de 70 000 €.
Nous appliquons ensuite le barème d’impôt à cette somme (Tableau de gauche ci-dessus), ce qui représente 12 194,35 € par enfant, alors même qu’ils ne touchent physiquement pas un centime (leur maman étant usufruitière de l’ensemble).
Lors du décès de leur maman, les enfants récupéreront la pleine propriété de la part de leur papa et également la pleine propriété de la part de leur maman.
Ils devront donc payer un impôt sur les 400 000 € de la part de patrimoine de leur maman.
La seule différence avec le calcul présenté ci-dessus est qu’il n’y aura cette fois-ci pas de barème lié à l’usufruit (Cf barème de 70 % ci-dessus).
L’abattement de 100 000 € sera lui de nouveau appliqué. L’impôt ne sera donc pas calculé sur 70 000 € mais sur 100 000 €.
La somme à verser sera alors cette fois de 18 194,35 € par enfant. Cette fois, les enfants auront la pleine propriété, et donc normalement de l’argent lié à l’héritage pour payer.
Je vois donc 2 problèmes majeurs dans cette exemple :
👉 La totalité de l’imposition pour les 2 enfants aura été de 60 777,40 €,
ET
👉 Lors de la première succession, les enfants ont dû payer une somme qu’il n’avait pas.
Nous allons donc voir désormais les mécanismes qui auraient pu permettre d’optimiser cette succession : assurances vie, donations de son vivant…
Optimisation par l’assurance vie
Pour le commun des mortels, une assurance vie est un placement financier qui année après année ne rapporte plus grand chose.
C’est vrai si on s’en sert pour placer de l’argent sur des fonds à capital 100 % garanti mais ça l’est beaucoup moins si on optimise son placement sur des fonds en actions ou autres…
Mais l’assurance vie a un autre avantage qui nous intéresse ici !
Savez vous que si le défunt cité dans notre exemple ci-dessus avait souscrit un contrat d’assurance vie, celui-ci n’aurait pas fait partie de l’actif de succession ? La somme sur ce contrat n’aurait donc pas été soumise aux impôts.
La seule condition à respecter est de déposer les sommes avant 70 ans.
Une personne préparant sa succession peut donc tout à fait déplacer des sommes de ses différents livrets, comptes titres ou autres sur une assurance vie et donc préparer l’exonération de sa succession.
Si le contrat d’assurance vie possède un bénéficiaire, la part maximale non taxée est de 152 500 €. S’il y a 2 bénéficiaires, la somme est multipliée par 2.
Revenons à notre exemple :
Si Monsieur et Madame avaient transférés 100 000 € chacun sur une assurance vie à leurs noms respectifs avant leurs 70 ans en désignant à chaque fois leurs 2 enfants comme bénéficiaires.
Au décès de Monsieur, la succession n’aurait pas été calculée sur 400 000 € mais bel et bien sur 300 000 €.
Le montant par enfant aurait donc été de 150 000 € et donc la somme à payer aux impôts de 5 194,35 € par enfant. (Voir méthode de calcul dans l’exemple ci-dessus).
Somme payable avec les 50 000 € d’assurance vie qu’ils auraient reçus chacun.
L’avantage aurait été tout aussi important au décès de leur maman car la somme à payer aurait été de 8 194,35 € par enfant. (Voir méthode de calcul dans l’exemple ci-dessus).
Le total lors de cette succession aurait donc été de : 5 194,35 * 2 + 8 194,35 * 2 soit 26 777,4 €. Une économie d’impôt de 34 000 € !!!
Cette option permet de faire bénéficier à ses futurs héritiers d’avantages non négligeables tout en conservant la pleine propriété de tout ce qui vous appartient le temps de votre vivant.
Optimisation en ajoutant un démembrement de propriété
Monsieur et Madame possèdent un appartement de vacances de 200 000 €.
Étant alors très précautionneux dans leur transmission, ils avaient alors décidé d’effectuer une donation avec démembrement de propriété à leurs enfants à l’âge de 60 ans.
Qui dit donation aux enfants, dit exonération de 100 000 € par enfant. L’appartement valant 200 000 €, la part de chaque enfant est donc de 100 000 €. L’abattement est donc total !
Les enfants vont donc devenir nus-propriétaires de l’appartement, les parents gardant l’usufruit. Tout cela sans débourser un centime en impôt.
La seule différence implique alors que si les parents souhaitent vendre, ils devront obtenir l’accord de leurs enfants.
Le patrimoine encore transmissible est désormais de “seulement” 600 000 €.
Avant leurs 70 ans, Monsieur et Madame ont en parallèle mis en place les assurances vies citées ci-dessus. (100 000 € chacun en désignant en bénéficiaires leurs enfants).
Au décès de Monsieur, le patrimoine à transmettre qui sera soumis aux impôts est donc de 200 000 € (Sa part de 100 000 € d’assurance vie étant exclue et sa part de l’appartement déjà transmise grâce au démembrement).
Cela représente donc 100 000 € par enfant qui peuvent être intégralement exonérés car égal au plafond d’abattement.
La succession coûtera alors 0 €.
Au décès de Madame, le calcul se fera de la même manière et l’imposition sera également de 0 €.
Nous sommes donc passés d’une succession coûtant 60 777,4 € d’impôt à une succession coûtant 0 € en utilisant 2 mécanismes relativement simples à mettre en œuvre.
Conclusion
Les 2 mécanismes présentés ci-dessus ne sont pas les seuls possibles. Il existe de multiples possibilités pour optimiser et préparer sa transmission.
Les exemples sont également faits avec une situation claire et simple (Couple marié, pas de famille recomposée, héritiers clairs et définis,…).
L’exemple ci-dessus n’est pas vrai avec un couple pacsé par exemple : 2 personnes pacsées ne sont pas héritières l’une de l’autre d’un point de vue de la loi. Hormis s’ils décident de faire un testament !
Le but ici était de montrer simplement l’importance d’une succession anticipée.
Il me semble que 60 000 € n’est pas une somme si simple que cela à mettre de côté pour faire grossir son patrimoine.
Il est alors dommage de se priver de les conserver dans la famille par manque de préparation.
Plus que pour n’importe quel sujet, il est important de se faire conseiller car chaque cas est différent, spécifique, et nécessite une analyse précise de votre situation.
Mais pour prendre la peine de se faire conseiller, il est avant tout important d’en comprendre l’importance puis à terme de comprendre les conseils qui vous seront promulgués.